Une (très) brève histoire des médias en ligne

par ‘Mar 29, 2018’Média

Le 22 mars, la publication de l’hebdomadaire Ebdo qui avait fait le pari du papier a été suspendue après seulement 2 mois d’existence. Ebdo avait fait un double pari, celui de fonctionner sans publicité et du papier. Est-ce bien raisonnable de bouder le numérique en 2018 ?

Le 26 mars 2018 marquait l’arrêt des rotatives à l’Est Républicain, la version papier n’est pourtant pas complètement stoppée puisqu’il s’agit là simplement d’un changement de format (passage du grand format au tabloïd), pourtant c’est bien un signe que le secteur évolue.

Ces événements ne sonneraient-ils pas comme le chant du cygne du papier ? Il est un peu tôt pour l’affirmer, mais il n’en reste pas moins que les médias ont été singulièrement bousculés depuis les débuts d’Internet. S’ils ont eu quelques difficultés à accuser réception du caractère inéluctable du numérique, ils ont fini par se faire une raison et proposer, comme tout le monde, leurs articles en ligne voire des articles écrits pour être en ligne. Cela a, comme dans bien d’autres domaines, chahuté les susceptibilités des uns et des autres. À l’instar des musiciens, les journalistes sont partagés entre l’envie d’être présent en ligne et la frustration liée à la gratuité, perçue parfois comme dégradante pour les métiers impliqués.

Pourtant après des débuts hésitants, une décennie passée dans les affres de la recherche d’un modèle économique viable, il semblerait que le secteur soit mûr, assume désormais de faire payer ses contenus numériques et 2018 devrait confirmer les fortes hausses observées chez beaucoup de médias en termes d’abonnement et de fréquentation.

Revenons sur ces grandes étapes du média en ligne.

 

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Les premiers pas vers le numérique (80-00)

La vraie genèse de l’information en ligne date, accrochez-vous, des années 80. En effet, avec un ordinateur et un accès au service CompuServe (premier fournisseur d’accès à un service en ligne), dans le cadre d’un projet expérimental (Associated Press Experiment), il était possible de lire des articles en ligne en juillet 80. Ce projet s’est terminé en 82, bien avant qu’il ait pu se démocratiser et pour cause l’Internet ne l’était évidemment pas à ce moment, mais l’inexorable marche vers le numérique pour les médias ne date pas d’hier.

Dans « Histoire Française de la presse en ligne », de Patrick Eveno, on peut lire que les quotidiens français et en particulier Le Monde, on commencé leur virage numérique dès la fin des années 90. Le Monde, en effet, crée en 1997 une filiale permettant de migrer le papier vers le Web. À une époque où l’Internet était d’ores et déjà le royaume de la gratuité, la question du modèle économique s’est tout de suite posée.

À cette époque les usages numériques étaient encore très empreints des usages de consommation classiques et le Web n’était alors que le simple reflet du papier. Personne n’en était à exploiter la puissance du numérique pour des nouveaux services. Il va de soi, comme nous le montrions dans notre article précédent « Presse en ligne et presse papier : la même planète ? » que les choses ont bien changé depuis.

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L’adolescence dans les années 2000 : la prépondérance du modèle gratuit

C’est à la fin des années 2000 que sont apparus les premiers pure players, c’est-à-dire les éditions en version numériques uniquement. En France par exemple, Mediapart a été créé en 2008, Rue89 en 2007, et Bakchich en 2006, dont les créateurs étaient tous issus d’anciens médias plus classiques respectivement Le Monde, le Nouvel Observateur et le Canard Enchainé. Les modèles économiques étaient divers pour ses pure players : abonnement pour Médiapart, gratuit et financé par la publicité pour Rue 89. Ils se sont d’ailleurs essayés en tous cas pour Rue89 et Backchich à des versions papier avec un succès modeste et une durée éphémère du reste. Comme si accuser réception, même pour des pure players, que l’avenir numérique était encore trop difficile à envisager.

Les médias plus classiques ont aussi au cours des années 2000 vraiment développé leurs sites Web, allant même jusqu’à proposer une version PDF de leur journal ou magazine, c’est encore le cas de quelques titres du reste que je ne dénoncerai pas ici. Ils ont dans un premier temps seulement numérisé leurs articles papier avant de s’affranchir du papier et de profiter pleinement de ce que pouvait leur offrir le numérique en termes de réactivité, de temporalité et de dynamisme. The Guardian, a été le premier journal britannique à privilégier son service en ligne qui exploitait vraiment les vertus de l’Internet et s’éloignait du modèle de publication « une fois par jour ». Le web n’était plus un reflet numérique du papier, mais les news étaient diffusées en ligne d’abord. C’était en 2006.

Dès 2010, les statistiques ont montré que plus de personnes consultaient leurs news en ligne que sur les versions papier, et ce virage était bien sûr opéré en particulier par les jeunes. À compter de ce moment, la fréquentation en ligne n’a cessé d’augmenter.

Et chacun d’avoir son avis sur le numérique et le meilleur business model, on lisait dans l’Hebdo (journal suisse qui a depuis disparu) en avril 2011, qu’il n’y avait aucune valeur ajoutée sur les sites d’informations et que personne ne débourserait un franc pour lire des dépêches numériques. En 2013, un directeur de l’un des plus grands organes de presse canadien affirmait dans le Huffington Post que : « Le phénomène de la gratuité est irréversible » il ajoutait que seuls quelques journaux très spécialisés comme le Wall Street Journal pourraient s’en sortir avec un paywall.

Et c’est à cette époque que la majorité des sites médias en ligne à la fois gagnaient en lectorat numérique (Le Figaro comptait près de 10 millions de visiteurs uniques en 2012, Le Monde 8 millions et le Nouvel Observateur plus de 7 millions). Et pourtant ces médias qui perdaient des lecteurs papier, étaient obsédés par la quantité et n’avait de cesse d’augmenter leur trafic Web, car étant à la merci d’un modèle gratuit financé par la publicité.

 

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L’âge de raison : vers une vraie culture numérique

Depuis le milieu de cette décennie, nous avons pu observer un vrai bouleversement des médias en ligne. Ils ont clairement embrassé la culture numérique, ont enfin digéré la mutation que l’apparition du Web les aura obligés à opérer, se sont réconciliés avec les réseaux sociaux et se sont finalement décidés à mettre en œuvre un vrai marketing numérique avec pour objectif d’engager davantage les clients avec leur marque et surtout de privilégier la qualité à la quantité.

Ce revirement a été bien évidemment singulièrement accéléré par les nouveaux usages du Web, les attentes des internautes vers un plus grand respect de leur écran avec moins de spams, plus d’intérêt et une information de qualité.

Et tout ce monde est aujourd’hui en phase, les utilisateurs sont désormais prêts à payer (une récente étude Deloitte a récemment prédit qu’en 2018, 50 % des adultes paieront pour en moyenne 2 abonnements et ce chiffre devrait être porté à 4 d’ici à 2020) pour des contenus de qualités et l’objectif des médias est désormais de fournir une offre payante, mais de qualité qui correspond aux envies de leurs utilisateurs. On note également la forte augmentation (145 %) des abonnements en ligne du Washington Post et la très belle année du New York Times et ses excellents revenus de souscription en ligne (100 000 de plus pour le seul dernier trimestre 2017). Et on ne peut pas attribuer cet engouement pour les médias en ligne aux seules frasques du nouveau président des États-Unis et du magnat des productions hollywoodiennes.

Ce phénomène a également été observé en France, un récent article des Échos mentionnait qu’en 2017, le Figaro avait augmenté de 30 % le nombre de ses abonnés numériques et que désormais la première source de diffusion payante du journal Le Monde était numérique.

Il semblerait donc que les médias en ligne aient le vent en poupe et que 2018 commence sous de bons auspices. Il faut garder en tête pour l’année un certain nombre de bonnes pratiques pour pérenniser cette tendance :

  • continuer d’investir dans la technologie et le marketing numérique
  • entériner le beau succès des newsletters qui représentent un excellent vecteur d’acquisition de nouveaux clients
  • continuer de compter avec les réseaux sociaux tout en essayant d’en limiter la dépendance
  • étendre les services en ligne
  • combler les utilisateurs pour les fidéliser (le taux de désabonnement numérique avoisine encore les 30 %) et les mener à l’abonnement par une expérience de qualité et personnalisée.

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CEO et cofondatrice de Mediego, Anne-Marie a eu auparavant une carrière académique (ancienne directrice de recherche à INRIA) dans le domaine de l'informatique. Elle saura vous apporter des connaissances techniques et vous transmettre sa passion pour les algorithmes de recommandation.

Anne-Marie Kermarrec

CEO, Mediego

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